J’ai eu le bonheur d’enseigner l’informatique, ou plus exactement les méthodes informatiques, pendant quatre ans à l’I.A.I., l’Institut (inter)Africain d’Informatique de Libreville.
Tous ceux qui sont passés par ce que l’on appelle communément le Continent Noir en gardent un souvenir ému, mais ce qui m’émerveillait, en outre, c’était de voir, mes étudiants, des jeunes gens qui provenaient d’une dizaine de pays, dont certains séparés par des milliers de kilomètres, s’entendre entre eux et même s’amuser des accents de leurs frères et sœurs d’Afrique francophone, accents que moi, le Blanc, je n’arrivais pas à percevoir.
En tout cas, ils parlaient tous la même langue, celle que j’utilisais justement pour leur transmettre un peu de mon savoir (technique), le français.
Et quand mes missions m’amenaient dans les pays d’origine de ces jeunes, de Brazzaville à Dakar, de Bangui à Lomé, quel plaisir ne trouvais-je point à marchander avec les vendeurs de souvenirs, qui parfois renonçaient à m’arnaquer, après avoir constaté que je ne débarquais pas directement de France en simple touriste.
Si je me sentais si bien chez moi, quand bien même j’aurais été le seul Blanc au milieu d’une assemblée de Noirs, c’est parce que nous habitions tous la même Terre, bien sûr, mais surtout la même langue. C’est en effet cette langue, maintenant associée à notre grand Molière, qui porte depuis longtemps dans le monde entier le rayonnement de la France. Et si Paris était au siècle dernier encore la capitale du bon goût, c’est grâce à des ambassadeurs nommés Balzac, Dumas, Hugo et Zola qu’elle devait ce privilège. Certes, nous exportons aussi divers produits de luxe, parfums, vins, fromages et autres, mais si ceux-ci s’usent et s’épuisent, le français, lui, notre langue, est éternel. En fait, pour reprendre une expression classique, il s’use si l’on ne s’en sert pas !
Ce n’est donc pas sans une certaine tristesse que nous entendons parfois des représentants officiels de notre pays s’exprimer en anglais sur notre sol et pas seulement pour accueillir une personnalité étrangère.
Pour notre part, à l’Association Française d’Ingénierie des Systèmes d’Information, nous continuerons à mettre en valeur les efforts d’auteurs francophones pour diffuser leurs connaissances et leurs expériences dans les domaines proches des systèmes d’information. C’est ainsi que le 12 mars prochain sera décerné notre vingtième Prix du Meilleur Livre Informatique de langue française. Nous souhaitons beaucoup de lecteurs à nos auteurs distingués, ainsi qu’aux autres sélectionnés moins chanceux.